BENOÎT TRÉLUYER : « JE N'AVAIS JAMAIS PENSÉ POUVOIR REDÉCOUVRIR UN TRUC QUI M'ÉCLATE AUTANT. »
- 1 août 2024
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Président-fondateur de Trajectus Motorsport, le triple vainqueur des 24 Heures du Mans fait le point sur les premiers mois de sa nouvelle vie en tant que patron d'équipe. Mais aussi sur les espoirs nourris pour la fin de l'exercice en cours, tant en Ligier JS Cup France qu'en Championnat de France des Rallyes.
Lors de notre dernière conversation, vous veniez de lancer le programme Rallye. Comment les semaines suivantes se sont-elles déroulées ?
Ce programme avec Yoann et Benjamin (Bonato et Boulloud. Ndlr) en Championnat de France des Rallyes - sans compter les quelques apparitions en ERC - s'étant monté au dernier moment, j'ai dû m'entourer d'un petit peu plus de personnes que prévu. En revanche, niveau outillage, nous avions déjà à peu près ce qu'il fallait. Nous avons jonglé, je ne dis pas que cela a été facile, mais ça l'a fait.
Justement, côté outillage, il s'agit d'un investissement conséquent pour monter une équipe ?
Oui. Raison pour laquelle j'ai pris mon temps. J'ai voulu découvrir par moi-même quels étaient nos besoins pour ne pas faire n'importe quoi. Et ce tout en suivant les recommandations de mes mécaniciens et ingénieurs. Il s'agit d'une première année d'observation, mais nous commençons à bien cerner nos besoins. J'avais des ambitions et une vision, et je me suis même rendu en début d'année au Monte-Carlo pour aller voir ce que faisait Toyota ou Hyundai. Mais j'ai vite vu, arrivé en Championnat de France, que cela n'avait rien à voir.
Comment votre apprentissage du Rallye s'est-il passé ?
Hormis des épreuves en tant que spectateur pour supporter Yo et Ben, ce monde m'était totalement inconnu. J'ai donc tout découvert, mais j'adore. Et je tiens à préciser une fois de plus que je m'appuie sur des gens pour qui la discipline n'a aucun secret et qui m'aident beaucoup. Notamment Cédric, qui me seconde un peu quand je ne peux me rendre sur une épreuve. Je pose 12 000 questions à notre ingénieur Matthieu Bassou, que je dois saouler, mais je suis comme ça, j'ai besoin de tout comprendre. L'ambiance en rallye est vraiment extraordinaire, avec beaucoup d'entre-aide entre les équipes, comme nous avons pu le constater après l'accident de Yo et Ben au Rallye Vosges Grand Est.
Ce métier de patron d'équipe vous plaît-il autant que celui de pilote ?
Tout ce qui concerne la gestion sportive et humaine, je m'éclate. J'ai une chance incroyable et vis un truc génial. Je me plaignais de ma charge de travail quand j'étais pilote, mais en fait tu ne te rends pas compte du boulot qu'il y a derrière. Quand j'avais un problème chez Audi ou Nissan, quelqu'un le réglait pour moi. Là, c'est moi qu'on appelle ! Les rôles sont inversés. C'est épuisant, d'autant que je n'ai pas complètement raccroché le casque et que j'ai ma conciergerie à gérer. Je suis, cependant, conscient qu'il s'agit d'une phase de transition. Mais je n'avais jamais pensé pouvoir redécouvrir un truc en sport auto qui m'éclate autant. Après, il y a la gestion financière et administrative, qui est vachement moins sympa (Rires).
Qu'est-ce qui vous rend le plus fier jusqu'à présent ?
Sans nul doute l'ambiance et l'entre-aide qui règnent au sein de l'équipe, même entre les mécaniciens Rallye et Circuit. Il y a une super cohésion et quand tu arrives le matin tout le monde a le sourire. Ça chambre, on se réunit souvent les vendredis soirs, ils s'organisent des barbecues. Et ça, je veux absolument le conserver car c'est le nerf de la guerre... avec l'argent (Rires). Je sais à quel point l'ambiance est importante dans une équipe de course et à quel point le bien-être physique et psychique de ses membres influent sur les résultats. Quand tu travailles dans de bonnes conditions, que tu n'es pas exténué de fatigue, tu te donnes deux fois plus. Je veux que le travail soit bien fait, mais quand t'es fatigué, il faut savoir s'arrêter.
Et il y a une deuxième chose : la confiance de nos partenaires. L'accident de Yo et Ben nous a permis de le constater une fois de plus. Tous nous ont témoigné leur soutien. Et en JS Cup France, j'ai la chance de pouvoir compter sur de chouettes gamins, que les gens ont envie d'aider, raison pour laquelle je m'attache à ce qu'ils le leur rendent bien.
En quoi votre expérience est-elle bénéfique à l'équipe ?
Tout d'abord, de par mon vécu, j'ai la chance de pouvoir anticiper. Et honnêtement je me trompe rarement, ce qui pousse l'équipe à me faire confiance. En Rallye, c'est incroyable à quel point Yo et moi nous nous ressemblons. Même philosophie de vie, même approche, même attrait pour tout ce qui concerne les réglages, la communication avec les ingénieurs, etc. Nous sommes raccords sur tout... hormis le look vestimentaire (Rires. Ndlr).
Et en Ligier JS Cup France ?
Mon apport est évidemment tout autre, de par mon expérience du circuit et de l'âge de mes pilotes. J'ai mes petits jeunes, Vincent, Martin et Jules (Bouteiller, Lacquemanne et Tréluyer. Ndlr) que j'ai envie de bien éduquer pour devenir professionnel. Ça me tient à cœur, mais j'ai une chance inouïe, celle d'avoir des parents qui me soutiennent dans ma façon de faire. J'ai aussi des jeunes mécaniciens et ingénieurs qui sont au top et qui évoluent vite. Rien ne me rendrait plus fier que d'en voir certains intégrer une grande équipe.
Vous parliez d'éducation, par quoi passe-t-elle ?
Tout d'abord un investissement sans faille. Je veux qu'ils soient respectueux des efforts que consentent pour eux leurs parents et leurs partenaires. Rien que pour cette raison, ils n'ont d'autre choix que de bosser comme des tarés et de mettre tout en œuvre pour y arriver. Raison pour laquelle je suis très transparent avec eux. Il m'est déjà arrivé de hausser le ton suite à des erreurs évitables en leur disant : « Vous ne vous rendez pas compte des efforts que font vos parents et l'équipe pour vous. » J'aime quand les gens respectent le travail des autres. Je suis là pour les éclairer et faire en sorte qu'ils ne fassent pas les mêmes erreurs que moi.
C'est étrange à entendre au vu de votre carrière...
Peut-être aurais-je pu gravir les échelons plus rapidement. Et moi aussi j'ai eu besoin d'un Philippe Sinault pour me remettre dans le droit chemin. Le schéma était d'ailleurs assez similaire puisqu'il s'agissait également d'une équipe naissante. L'idée c'est que dans deux ans ils partent de chez moi en sachant exactement comment il faut se comporter pour être un pilote professionnel.
Je leur apprends les codes à utiliser, notamment quand ils conversent avec leurs ingénieurs. Ce n'est pas à eux de dire d'où vient le problème. Ils doivent faire part de leur ressenti, leur donner une direction s'ils ont une idée, mais la meilleure façon de faire est de leur dire ce qu'ils attendent de la voiture. Je leur apprends aussi à faire des rapports, à être méthodique et à préparer leurs week-ends.
Quels sont les objectifs sportifs pour la fin de saison en Rallye ?
En toute honnêteté, quand nous avons signé avec Yo, je ne m'attendais pas à être en mesure d'être aussi vite aux avant-postes... même si j'en rêvais secrètement. Je voulais leur donner les meilleurs outils possibles pour briller. S'engager avec des quintuples champions de France, ça met la pression quand même. Alors je suis vraiment fier de ce que l'équipe a fait, surtout parce qu'ils se sont tous donnés à fond, du responsable du catering à Yo, en passant par les mécaniciens et les ingénieurs.
Il est certain que l'accident au Vosges Grand Est ne nous a pas aidés. Yo m'avait prévenu en me disant : « Je te préviens, je ne sors pas souvent, mais quand je sors, je ne fais pas semblant. » Il ne m'avait pas menti (Rires. Ndlr). Mais il faut savoir tirer du positif en toutes circonstances, et cela nous a permis à tous de prendre du recul et de faire des choses que nous n'avions pas eu le temps de faire avant le début de la saison.
J'espère que Yo sera remis sur pied pour le Rallye Mont-Blanc Morzine. Le problème a été identifié et ne se reproduira plus. L'objectif sera de reprendre là où nous nous sommes arrêtés. Par chance, nos rivaux n'ont pas trop profité de notre coup d'arrêt : nous n'avons que cinq points de retard au championnat et devrions donc être en mesure de jouer le titre.
Et en Ligier JS Cup France ?
Je veux que Vincent ou Jules prenne la tête du championnat Junior. Les deux en ont la capacité et tous deux ont traversé un week-end sans depuis le début de la saison. Jules a souffert d'un problème sur sa voiture que nous avons identifié et qui devrait l'aider pour la suite. L'équipe sait leur préparer des voitures rapides, comme le prouvent nos résultats en qualifications puisque nous avons toujours été sur les deux premières lignes. Je veux que l'on franchisse une étape supplémentaire pour jouer la gagne au général à chaque fois, ou au moins le podium. Tout le monde a commis des erreurs, y compris les ingénieurs au niveau de la stratégie, et je veux qu'on mette en application ce que l'on appris.
Vous projetez-vous déjà en 2025 ?
Dans les deux disciplines, il y a encore plein de choses à voir et à analyser. Nous avons plein de demandes en rallye et en circuit, mais je ne veux pas brûler les étapes, mal faire les choses et dégrader les conditions de travail du groupe.
J'aimerais poursuivre en Ligier JS Cup France, car la voiture est sympa et te permet de te concentrer sur toutes les bases de réglages importantes : géométrie, hauteur de caisse, carrossage, etc. C'est par ailleurs un championnat flexible qui privilégie l'éducation à la sanction et qui demeure un peu à l'abri des regards, ce qui permet aux pilotes, mais aussi aux mécaniciens et aux ingénieurs d'apprendre sans pression. Passerons-nous en Ligier European Series si l'un de nos jeunes est promu ? Peut-être car je trouve la formule très bonne et que ça reste abordable.
Nous devrions repartir sur un programme similaire en rallye et j'aimerais relancer la Fun Cup. À chaque fois que nous avons roulé, nous avons toujours été parmi les plus rapides, face à des équipes autrement plus expérimentées. Mais je n'ai pas le temps de trouver des pilotes au course par course et aimerait privilégier des équipages à l'année.
© 1-5, 10-13 Mathieu Anne Production 6-9, 14-17 Nicolas Delpierre
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